20210210 Atlas Ludens. Début de Résidence à Vendôme – expo en Octobre

Posted on 10/02/2021 por

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ATLAS

«Recueil ordonné de cartes, conçu pour représenter un espace donné et exposer un ou plusieurs thèmes (géographie, économie, histoire, astronomie, linguistique, etc.) ; ensemble de planches de même destination joint à un ouvrage.» (Larousse)

LUDENS

«Homo ludens est une expression utilisée pour la première fois par Johan Huizinga dans son ouvrage «Homo ludens», essai sur la fonction sociale du jeu. L’être humain a d’abord été qualifié par Carl von Linné d’Homo sapiens (homme qui sait) puis d’Homo faber (homme qui fabrique). L’expression Homo ludens insiste sur l’importance de l’acte de jouer. En effet, la thèse principale de Huizinga est que le jeu est consubstantiel à la culture.» (Wikipedia)

Quittant Paris pour tenter autre chose, Paula et Anne viennent installer leur atelier commun à Vendôme en janvier 2021. Chemins, vents et lignes s’y entrecroiseront. Pour faire coïncider leurs parcours en errance, elles décident de tenter un projet commun, mettant en dialogue leurs recherches respectives.

Liées par des cartographies mentales, le paysage sonore, le documentaire, la photographie, les archives historiques et les interventions spontanées in situ, elles s’interrogent sur les implications sur nos formes de vie d’un environnement socio- psycho-spatial radicalement changeant.

Elles proposent ici un dispositif d’exploration ludique de Vendôme, en partant de deux types d’espaces :
• l’habitat comme espace intérieur poreux, espace du dedans, perméable.

• la ville comme scénario psycho- géographique, lieu d’une archéologie de rives et canaux, de quartiers ou zones choisies, dans un dialogue avec les habitants de Vendôme autour de traces laissées par les artistes dans la ville.

Durant les 6 premiers mois de leur installation, elles vont inventer à leur façon un type de lecture ou d’archéologie de la ville. Elles investiront certains lieux, discrètement et ponctuellement, et proposeront une forme de communication aux promeneurs vendômois, les incitant à intervenir à leur tour, en réponse, spontanément. Ramenant les traces de leurs dérives dans leur espace privé, elles créeront ainsi, peu à peu, un Atlas imaginaire, s’inspirant librement des travaux d’Ursula K Leguin, Donna Haraway, Siegfried Zielinski, Abi Warburg, Vilèm Flusser, Julio Cortazar et James Joyce.

En septembre 2021, elles inviteront les Vendômois à découvrir une installation mettant en scène (dans l’espace de leur atelier ou d’un autre lieu d’exposition, selon ce que les circonstances permettront) créations cartographiques, photographies, collecte d’objets et épiphanies sonores.

En parallèle, une carte originale imprimée, distribuée dans la ville, proposera aux habitants d’aller à la redécouverte de Vendôme sous une forme ludique, en partant à la recherche de messages cachés par Paula et Anne dans certains lieux choisis et des éventuelles traces laissées en réponse par les habitants de Vendôme.

GENÈSE DU PROJET

Point de vue d’Anne :
2020, année liquide. Comme tant d’autres, je me sens plus instable et mouvante que jamais. A Paris, je meurs de manque d’espace physique et mental pour retrouver un centre, réunir mes archives accumulées ces vingt dernières années, voir enfin l’ensemble de mes projets dans le même plan, et comprendre ce qui les relie et fait sens. Mettre au jour le lien que j’entrevois entre mon travail sur l’expérience du temps dans la composition (film en cours sur l’opéra ‘Innocence’ de Kaija Saariaho, Festival d’Aix 2021), le projet que je reprends actuellement autour de la place du lecteur dans l’Ulysse de Joyce (cf «Promenade inférentielle d’un lecteur cartographe»), et mon étude de l’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg et de l’histoire des gestes selon Vilèm Flusser.
Année liquide s’il en est, saturée des balbutiements du corps politique, au détriment des liens et d’une écologie sociale. Ballottée d’un confinement à l’autre, d’un décès à l’autre, j’ai gardé la tête hors de l’eau grâce notamment à mes échanges réguliers avec Paula, rencontrée au sein de l’association de documentaristes Addoc.

Durant le printemps dernier, l’une et l’autre confinées seules, moi dans une vieille maison sur une colline avec vue sur la Loire, Paula sur une île volcanique au large de l’Afrique, nous nous sommes soutenues, de loin. Lors du second confinement, que nous avons passé ensemble cette fois-ci, un projet prit forme : quitter Paris, et prendre notre part dans l’exode urbain qui s’impose aujourd’hui. Mais pour aller où ? En un premier temps, il nous fallait reprendre pied, nous recentrer et nous remettre au travail.

Notre choix : Vendôme, ville d’air et d’eau en région Centre, pas trop loin de Paris où nous laissons nos familles pour préfigurer l’après.

Première étape : janvier 2021 : nous trouver un appartement à Vendôme où travailler sur nos films en cours, et y créer un atelier, espace commun et de dialogue où, comme en théorie des ensembles, s’exprimera ce qui fait, entre nous deux, intersection.

Là, disposer peu à peu, comme des couches archéologiques, les traces de nos dérives dans cette ville dont nous ne connaissons rien encore, sous la forme d’un Atlas imaginaire.

Point de vue de Paula :
Mars 2020. Errances. Parfois sédentarisme- nomade, nomadisme-sédentaire. Il arrive que les choses se compliquent. Les manifestations à Alger, Bogotá, La Paz, Santiago, Buenos Aires, Hong Kong, Minneapolis, Paris, partout. Quelque chose semble s’écrouler, une autre se réveiller. Un chez moi, ma Colombie imaginée devenue trop lointaine. Me voici sur une île volcanique où je garde deux chats et fais une ré-écriture d’un dossier de film documentaire. Pandémie. Il vaut mieux passer à autre chose. Je ne garde plus les chats. Voir tout d’un autre angle. Je vis dans une cabane au milieu d’un paysage désertique de roches et de plantes succulentes. Une nuit très sombre, mon grand-père est décédé, et un lapin est sorti de derrière un muret. Un rappel, cadeau de la nature, netteté des lignes entre terre, mer et ciel où se distinguent des constellations sous l’eau des rêves au réveil. La beauté terrible d’un monde en mutation. Faire des choix, c’est ça la liberté. Quelle direction prendre depuis cette île ? Vers l’ouest, le continent américain ? Ou bien l’est, vers l’Europe ? Je prends la décision de tenter de rester en France, et de m’y installer pour de bon après avoir passé plus de neuf ans à hésiter sur la date définitive d’un retour dans mon pays.

On déclare un deuxième confinement. Anne m’invite à la Tour. Autour du feu, les conversations vont vite et font apparaître des idées communes à propos de formes de vie, d’habitats cohérents, plus conséquents avec la situation du monde, une envie de ne laisser mourir, ni la musique ni les mythes. Le vent souffle aussi fort, comme sur l’île de Lanzarote, les plaques tectoniques bougent. Il semble que les tempêtes du Sahara soulèvent un vent qui traverse l’Atlantique jusqu’à ‘la selva de Amazonas’ où l’on retrouve du sable qui a été un jour sous les pieds des Berbères. Des cartographies qui se redéfinissent, une topographie projetée sur une autre. L’Odyssée d’Homère et l’Ulysse de James Joyce.

Je rentre à Paris, il est temps de chercher la manière de bouger. Première étape : un atelier partagé à Vendôme. Penser ‘où sommes- nous’, créer les narratives d’une entropie, en bord de Loir, dans la ville aux sept rivières, plus de quatorze rives. Un arbre planté en 1759 s’y tient toujours debout. Faire un Atlas de Vendôme à côté du centre, et de Nevers, pas très loin dans la cartographie imaginaire que je me suis faite de la France.